AVIS D'EXPERT - Des nouveaux tests sur l'ADN foetal circulant dans le sang maternel permettent parfois d'éviter l'amniocentèse, explique le Pr Laurent Salomon, gynécologue-obstétricien à l'hôpital Necker à Paris.

• Comment est organisé le dépistage de la trisomie 21?

Actuellement, un dépistage de la trisomie 21 est proposé à toutes les femmes enceintes. Ce dépistage est basé sur la réalisation, dès trois mois de grossesse, d'une échographie avec une mesure de la clarté de la nuque fœtale et d'une prise de sang analysant le taux de deux hormones placentaires. Ces examens donnent des indications sur le bon déroulement de la grossesse, ses risques éventuels de complications et, en combinaison avec l'âge de la maman, permettent d'évaluer un risque statistique de trisomie 21 pour le fœtus. Dans 3 à 5 % des cas environ, ce risque est estimé supérieur à 1 sur 250. Les recommandations médicales actuelles prévoient alors de réaliser, si la femme le souhaite, un prélèvement de placenta (biopsie de trophoblaste) ou de liquide amniotique (amniocentèse). Ceci permettra d'établir le caryotype fœtal et ainsi d'exclure formellement une trisomie 21 et d'autres anomalies chromosomiques moins fréquentes. En effet, sur l'ensemble des femmes «à risque supérieur à 1/250», le caryotype fœtal est heureusement normal dans 90 à 95 % des cas. Toutefois, ces prélèvements sont invasifs et comportent donc un risque faible de complications, en particulier de fausse couche.

• Quel est le bénéfice attendu des nouveaux tests fondés sur l'analyse de l'ADN fœtal dansle sang maternel?

De façon normale, de l'ADN fœtal circule dans le sang maternel dès les premières semaines de grossesse. Les progrès techniques récents permettent de l'étudier et ainsi de détecter 99 % des trisomies 21 (dépistage prénatal avancé non invasif - DPANI). Ce DPANI pourrait permettre d'éviter à une majorité des femmes à risque de recourir au prélèvement invasif. En effet, si un test sur l'ADN fœtal circulant dans le sang est normal, il diminue considérablement le risque, mais sans toutefois l'exclure totalement. Un test anormal nécessite, en revanche, impérativement une amniocentèse pour confirmer l'anomalie. De plus, ces tests ne permettent pas de donner un résultat dans 1 à 5 % des cas (échecs techniques). Globalement, ces nouveaux tests, attendus depuis de nombreuses années par les femmes et les professionnels de santé, pourraient donc permettre de diminuer nettement le nombre de prélèvements invasifs pratiqués.

• Existe-t-il des contre-indications à ce test?

Il n'y a pas de contre-indication au test, mais il y a beaucoup de mauvaises indications. Une femme qui a un risque très élevé nécessite un examen de certitude pour la rassurer, c'est-à-dire un caryotype qui ne peut être obtenu que par le prélèvement invasif. Il en va de même lorsque l'échographie n'est pas normale, car il faut non seulement vérifier l'absence de trisomie mais également l'absence d'anomalie sur tous les chromosomes, ce qui n'est pas possible avec ce DPANI. Une femme ayant un risque estimé très faible de trisomie 21 ne doit pas non plus recourir à ce test qui l'exposerait de façon inutile à un risque d'erreur bien plus important que son propre risque d'avoir un enfant trisomique.

• Quelles sont les étapes nécessaires avant que ces tests puissent apparaître dans l'offre de soins nationale?

Ces nouveaux tests ont un faible risque d'erreur et d'échec technique. Il faut donc impérativement démontrer qu'après un dépistage identifiant un risque élevé de trisomie 21 (>1 sur 250), ils permettront de rassurer suffisamment les femmes et les soignants qui les suivent et donc de diminuer réellement le nombre de prélèvements invasifs et leurs éventuelles complications. Il faut également vérifier que l'absence d'information sur le caryotype du fœtus n'est pas préjudiciable: le DPANI ne donne une information que pour les principales trisomies alors que le caryotype obtenu après amniocentèse ou biopsie de trophoblaste renseigne sur le nombre mais aussi la structure de tous les chromosomes.
Enfin, s'il existe un bénéfice médical, il faudra alors réfléchir aux moyens pour en faire bénéficier rapidement l'ensemble des femmes. Ce test, facturé près de 1000 €, n'est pour l'instant proposé que par quelques laboratoires privés, principalement basés à l'étranger. Il est donc en dehors de l'offre de soins réglementée et recommandée et n'est donc pas pris en charge par la Sécurité sociale. Les limites de ces tests nécessitent, en outre, que leur utilisation soit réservée à des femmes bien informées par des professionnels du diagnostic prénatal.
C'est pour répondre à toutes ces interrogations essentielles et pour favoriser la diffusion rapide et harmonieuse des techniques de DPANI à toutes les femmes sur tout le territoire que la Direction générale de l'offre de soins promeut une large étude nationale - le Stic Safe 21 - impliquant plus de 40 centres dans toute la France et les sociétés savantes autour d'un projet porté par notre service (Pr Yves Ville) et celui de cytogénétique (Dr Valérie Malan, service du Pr Michel Vekemans). Cette étude Safe 21, qui démarre dans les prochaines semaines, permettra dans le même temps d'évaluer le DPANIsur le plan médical, psychologique, sociologique et économique en comparaison avec la prise en charge habituellement proposée, en optimisant l'information des femmes et en respectant leur autonomie.

• Ces tests sont-ils appelés à avoir des développements complémentaires dans l'avenir?

Oui, ces tests vont encore évoluer. Pour ce qui concerne les trisomies, il est probable qu'au cours des prochaines années les tests deviendront encore plus performants, avec encore moins d'erreurs et moins d'échecs. Ceci pourra engendrer alors une modification de leurs indications ou non-indications. Ils seront aussi vraisemblablement de moins en moins coûteux. Par ailleurs, la technique utilisée dans ces nouveaux tests pourrait permettre à moyen terme d'élaborer, au-delà des trisomies, un dépistage d'anomalies chromosomiques fines, voire d'anomalies concernant les gènes et ainsi de voir les indications d'amniocentèse se réduire encore, au bénéfice des femmes et de leur bébé.
source : lefigaro