Le Sovaldi, médicament contre l'hépatite C qui serait vendu 260 fois son prix de revient, relance le débat sur le prix des médicaments.

Si l'industriel souhaite que son médicament soit remboursé par la Sécurité Sociale, il s'engage dans une procédure longue avec l'Etat... GILE MICHEL/SIPA

Quatorze pays européens, dont la France, se sont alliés "pour la première fois" pour négocier une baisse de prix d'un nouveau médicament contre l'hépatite C, le Sovaldi, a indiqué jeudi 10 juillet la ministre de la Santé Marisol Touraine, qui assure que le "prix va baisser".
SOVALDI. Le Sovaldi (sofosbuvir) du laboratoire américain Gilead constitue un traitement innovant contre cette maladie virale, mais son coût faramineux - plus de 50.000 euros demandés pour l'instant par le laboratoire pour une cure de trois mois - inquiète vivement les autorités sanitaires.
"La négociation commence" a poursuivi la ministre, sans préciser quelle était l'ampleur de la réduction escomptée. Mais comment l'Etat peut-il faire baisser le prix du Sovaldi ? Et d'ailleurs, comment est décidé le prix d'un médicament en France, et son remboursement par la Sécurité Sociale ? La R&D (recherche et développement) est-elle prise en compte ? On vous explique.

1. Être ou ne pas être remboursé, telle est la question

Le laboratoire, qui a mis au point un médicament, commence par demander une autorisation de mise sur le marché (AMM) qui peut être délivrée au niveau européen par la Commission européenne, ou au niveau national par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament).

PRIX LIBRE. Une fois l'AMM acceptée, le laboratoire peut décider de ne pas demander que son médicament soit remboursé. Dans ce cas, la procédure est simple : le médicament sera commercialisé avec un prix libre, fixé par l'industriel.
Mais si l'industriel souhaite que son médicament soit remboursé par la Sécurité Sociale, il s'engage dans une procédure longue avec l'Etat... et parfois conflictuelle, comme l'a montré le cas du Sovaldi.

2. La HAS juge le médicament remboursable ou non

L'entreprise, qui souhaite que son médicament soit remboursé, soumet alors un dossier à la HAS (Haute Autorité de Santé).
ÉVALUATION. Celle-ci commence par évaluer le Service Médical Rendu (abrégé SMR) qui comprend l'efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique (notamment au regard des autres thérapies disponibles), la gravité de l'affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux ainsi que l'intérêt pour la santé publique du médicament.
La HAS attribue ainsi un niveau de SMR parmi 4. Trois des 4 niveaux sont dits "suffisants” car ils permettent l'inscription du médicament sur la liste des médicaments remboursables. Ces trois niveaux sont dits "important" (remboursement conseillé de 65 %), "modéré" (remboursement conseillé de 30 %), et faible (remboursement conseillé de 15 %).
Le 4e niveau de SMR, dit "insuffisant", ne permet pas l'inscription sur la liste des médicaments remboursables.

3. La HAS donne une note de 1 à 5

Puis la HAS évalue l'Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) qui est l'appréciation du progrès par rapport aux traitements ou à la prise en charge existants, ainsi que le nombre de patients potentiels.

Cet ASMR se décline sous la forme d'une note de 1 à 5 : 1 pour progrès thérapeutique majeur, 2 pour progrès thérapeutique important, 3 pour progrès thérapeutique modérée, 4 pour progrès thérapeutique mineure, 5 pour absence de progrès thérapeutique.
A noter que le Sovaldi a obtenu la note de 2 pour progrès thérapeutique important.

4. Le CEPS fixe le prix, l'Uncam le remboursement

NÉGOCIATIONS. C'est ensuite le CEPS (Comité économique des produits de santé) qui prend le relais, en déterminant le prix du médicament. Il réunit pour cela industriels, assurance-maladie, mutuelles et le ministère de l'industrie.
L’intérêt de l’industrie pharmaceutique est donc pris en compte, mais cela n’empêche pas la négociation de tourner au bras de fer dans certains cas. Les laboratoires n’hésitent pas à mettre dans la balance leur poids dans le tissu industriel le cas échéant (emplois, usines, centres de R & D…).
Le CEPS s'appuie sur les notes attribués par la HAS (pour l'ASMR) : pour les médicaments notés de 1 à 3, il fixe un prix proche de la moyenne pratiquée dans les grands pays européens (Allemagne, Italie, Royaume-Uni...).
VENTES. Ce prix de vente sera le même pour toutes les pharmacies de France. Les hôpitaux et les cliniques, eux, peuvent négocier directement avec les fabricants pour obtenir un rabais.
Le Comité demande aussi au laboratoire de s’engager sur un volume de ventes. Ainsi, les autorités déterminent dès la commercialisation du produit ce qu’il coûtera à la Sécurité sociale. Si les volumes prévus sont dépassés, le laboratoire est pénalisé : il devra rembourser le surplus à l’assurance-maladie.
REMBOURSEMENT. C'est l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) qui fixe le taux de remboursement.

5. Le ministre de la Santé tranche

La décision finale d’inscription relève de la compétence du ministre de la Santé et est publiée au Journal officiel. C'est pourquoi Marisol Touraine tente de négocier une baisse de prix du Sovaldi auprès de Gilead.
INFOGRAPHIE. Toutes ces étapes sont résumées dans l'infographie ci-dessous, mise à disposition par le Centre d'analyse stratégique.

Détermination du prix d’un médicament ambulatoire sous brevet ayant une autorisation de mise sur le marché © CGSP

Vers davantage de transparence

La Haute Autorité de Santé (HAS) vient d'annoncer qu'elle publiait de nouvelles données en open data sur son site et sur le dite data.gouv.fr, dont les données d’évaluation des médicaments comprenant les avis de Service médical rendu (SMR) et d’Amélioration du service médical rendu (ASMR). Vous savez désormais de quoi il s'agit.
source : sciencesetavenir