Un article de 60 millions de consommateurs a analysé les substances émises par différentes e-cigarettes. Décryptage.

Une étude de 60 millions de consommateurs a montré jusqu'à 70 % d'écarts entre les teneurs en nicotine indiquées sur les emballages et celles mesurées. Philippe Turpin / Photononstop
60 millions de consommateurs annoncent dans leur numéro de septembre 2013 que la cigarette électronique ne serait pas inoffensive, voire même "potentiellement cancérigène" et ont alerté les autorités. Explications.

E-cigarette Edsy 09, la seule jugée "acceptable"

La revue de l'Institut national de la consommation (INC) annonce être allée plus loin qu'une simple comparaison entre la vapeur de la cigarette électronique et celle émise par la cigarette conventionnelle, en recherchant également d'autres substances. Ses laboratoires n'auraient pas utilisé une machine à fumer mais élaboré "une installation capable de simuler le fonctionnement d'une cigarette électronique et de recueillir l'ensemble des composés émis tout en limitant les possibilités de condensation de ces substances sur les parois des tubes de l'installation". La revue propose ainsi un tableau comparatif de différentes marques de cigarettes jetables et rechargeables. Sur les critères proposés (nicotine, propylène glycol, glycérine, composés organiques indésirables, traces de métaux), seule la e-cigarette Edsy 09 (Edsylver) a une appréciation globale acceptable.

Autant de nickel et de chrome dans Cigartex

Parmi les substances détectées, trois seraient préoccupantes : le formaldéhyde, l'acroléine et l'acétaldéhyde. Dans 3 cas sur 10, les teneurs de formaldéhyde, ou formol, classé cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) "flirtent" avec celles de la cigarette conventionnelle. L'acroléine, quant à elle, dépasse même parfois celles de la cigarette conventionnelle, surtout avec la cigarette électronique E-Roll. Enfin, l'acétaldéhyde, également classé cancérogène par le CIRC, est émis à des teneurs non négligeables, mais très en-dessous de la cigarette conventionnelle.
La revue souligne également la présence de métaux potentiellement toxiques. A titre exemple, Cigartex libèrerait autant de nickel et de chrome qu'une cigarette conventionnelle, ainsi que du plomb et de l'aluminium en quantités significatives.

Jusqu'à 70 % de nicotine d'écart avec ce qui est affiché

Les analyses ont également porté sur la composition des e-liquides qui s'est révélée parfois non conforme à ce qui est affiché. Les résultats ont montré jusqu'à 70 % d'écarts entre les teneurs en nicotine indiquées sur l'emballage et celles mesurées. Idem pour le propylène glycol dont la présence n'est parfois même pas mentionnée... L'INC demande un encadrement plus strict des cigarettes électroniques, qui ne sont pas considérées comme des médicaments et ne font donc pas l'objet d'une évaluation scientifique rigoureuse avec une normalisation des méthodes d'évaluation des composants de e-cigarette.

(Presque) rien de nouveau sous le soleil

Les substances étudiées étaient déjà bien connues (voir l'article  : dangereuse, la cigarette électronique ?), et même signalées dans le rapport Dautzenberg.Sciences et Avenir, dans son numéro de juillet 2013, avait recensé 25 composés chimiques préoccupants (versus 93 dans la cigarette conventionnelle) dont le formaldéhyde, l'acétaldéhyde et l'acroléine, mais également l'isoprène ou des alcanoïdes. Notre enquête soulevait également des taux de nicotine affichés sur les flacons de e-liquide pas vraiment conformes à la réalité (cf article : comment comparer cigarette et e-cigarette), bien que nous ne rapportions pas un écart si important. En revanche, la revue a mené ses propres tests originaux, même si elle ne livre guère de détails sur le protocole utilisé. Or, nous avions montré qu'il était extrêmement compliqué d'une part, de mesurer la teneur de substances toxiques dans la e-vapeur dégagée et, d'autre part, d'établir une comparaison pertinente avec la teneur en produits toxiques des cigarettes conventionnelles. A ce jour, un seul chercheur, Maciej Goniewicz, de l’université Queen Mary à Londres et également affilé à l’ université de Silésie (Pologne), a mis au point des machines à vapoter capables de reproduire très exactement le comportement du vapoteur. Il a identifié dans une étude les mêmes substances préoccupantes dans la e-vapeur, tout en soulignant que les taux étaient chaque fois bien moindres que dans la fumée de cigarette conventionnelle.

Des conclusions trop "alarmistes" ?

Le dossier abonde dans le sens des autorités qui ont annoncé dès juillet leur intention de réglementer la cigarette électronique, devenue extrêmement populaire (voir article : cigarette électronique, pourquoi les experts veulent la réglementer ?). Cependant, il a suscité de vives réactions. Ainsi, le Dr Dominique Dupagne, médecin généraliste blogueur, a été choqué de la reprise alarmiste de l'article par les médias et a vivement réagi sur le web.
Selon lui, les produits anodins contenus dans la cigarette électronique donnent des aldéhydes et de l'acroléine en chauffant, tout comme n'importe quelle cuisson d'aliment dans un corps gras. Il explique que "les teneurs pointées du doigt sont réelles, mais anodines dans l'absolu, surtout face aux substances monstrueusement cancérigènes (et toxiques pour les artères) contenues dans la fumée du tabac". Et ne l'oublions pas, comme l'écrivait Mickael Russel, dans le British Medical Journal, "les gens fument pour la nicotine mais meurent à cause du goudron". Et dans la e-cigarette, il n'y en a pas !
source : sciences et avenir