3 questions à Ronald Virag, chirurgien et sexologue, à propos de la commercialisation sans ordonnance de Cialis, médicament contre les troubles érectiles.
Le laboratoire français Sanofi a annoncé vouloir commercialiser sans ordonnance le Cialis, médicament contre les troubles érectiles conçu par le laboratoire américain Eli Lilly.
Ronald Virag, chirurgien et sexologue, spécialiste des troubles érectiles, répond à nos questions.
Est-ce une bonne idée de vouloir mettre en vente libre un médicament contre les troubles érectiles ?
Ronald Virag : Ca me paraît une démarche très curieuse. Elle s’appuie sur l’idée que la vente sans ordonnance de ce type de produits permettrait de contrer la vente sauvage. Il n’y a aucune logique thérapeutique là-dedans. Autre argument tout aussi fallacieux : pouvoir ainsi traiter des personnes qui n’osent pas consulter... L’argument est ici clairement moins médical que purement marchand.
Peut-on craindre des dérives et un mésusage de ce produit ?
Ronald Virag : Malheureusement, les dérives existent déjà et cela n’ira pas en s’améliorant si une telle mesure est adoptée. Ces molécules contre les troubles de l’érection sont parfois utilisées de manière récréative pour accroître la performance sexuelle. Dans ce cadre, elles peuvent être prises en association avec les "poppers", des produits illicites à base de nitrite d’amyle qui permettent de dilater les vaisseaux sanguins et d’augmenter l’intensité de l’orgasme. Or, la prise simultanée de ces médicaments et de poppers peut être mortelle.
Les autorités de santé autoriseront-elles une telle mesure ?
Ronald Virag : Rien n’est moins sûr. En France, cela m’étonnerait beaucoup que l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, donne son feu vert. L’avis médical pour ce type de médicaments reste indispensable, et je vois mal les pharmaciens jouer ce rôle efficacement. Vendre du Cialis sans ordonnance laisse également craindre une explosion des ventes sur Internet. Ainsi que dans les grandes surfaces, qui ne manqueront pas de vouloir les proposer dans leurs espaces santé. Il ne faut pas oublier les risques de surdosage d’une molécule qui n’est pas un bonbon, ainsi que les risques d’addiction, non négligeables.
NUMÉRIQUE. Cette interview est extraite du numéro 809 de Sciences et Avenir. Le magazine est disponible à l'achat en version numérique via l'encadré ci-dessous.
source : sciencesetavenir