Le programme "Eugene Goostman" a réussi a faire croire à des hommes qu'il était ... lui-même humain. C'était samedi 7 juin 2014 : une date désormais historique pour l'intelligence artificielle.


Le savant britannique Alan Turing (1912-1954). SHERBORNE SCHOOL / AFP

PROGRAMME. C'est un des Graal de l'informatique qui vient de tomber. À la Royal Society de Londres, Eugene Goostman vient de passer le test de Turing. Signe particulier d'Eugene Goostman ? Il semble être un ado de 13 ans, mais c'est en réalité un programme informatique qui a réussi à duper des interlocuteurs humains. Ceux-ci ne savaient pas s'ils s'adressaient à un être vivant ou à une machine. Et 33% d'entre eux, pendant ce test de la Royal Society, ont pris le programme Eugene Goostman pour un vrai petit garçon.

Le "test de Turing", évoqué par l'auteur en 1950 dans la revue britannique Mind

Le britannique Alan Turing aurait eu 100 ans le 23 juin 2012 (l’anniversaire avait été marqué par l'un des désormais célèbres Doodle de Google, reproduit ci-contre). On se rappelle de ce savant pour sa contribution déterminante, pendant la Seconde guerre mondiale, au décryptage du code la machine Enigma. Ce dispositif électromécanique, contenu dans une simple mallette, permettait aux nazis de crypter les communications entre leurs sous-marins de l’Atlantique Nord. Une fois les secrets d'Enigma révélés, les Alliés purent bénéficier d'un temps d'avance sur l'armée d'Hitler. 
Après la guerre, les travaux de Turing permettent de poser les bases de l’informatique et font de lui l’un des pionniers de l’intelligence artificielle. Le savant prédit l’avènement d’une machine programmable, capable de résoudre n’importe quel calcul mathématique – la "machine de Turing", sorte d’ancêtre de l’ordinateur. En 1950, dans un article à la revue Mind, il propose un test qu’il faudrait soumettre à un interlocuteur secret pour savoir s’il s’agit… d’un homme ou d’une machine ! Au-delà de la prouesse d'Eugene Goostman (ou plutôt de l'équipe d'informaticiens ayant mis au point ce programme) ce "test de Turing" est plus que jamais d’actualité, à l’heure où un super-calculateur comme le Watson d’IBM est capable de battre des adversaires humains dans un quiz télévisé.

Génie sacrifié

Mais Turing n’aura pas le temps de voir l’ère des ordinateurs. En 1952, le savant est condamné pour "outrage aux bonnes mœurs" en raison de son homosexualité, alors considérée comme illégale en Grande-Bretagne. Il doit subir une castration chimique et se suicide deux ans plus tard. Turing n’a que 41 ans…
Le gouvernement britannique a mis du temps a reconnaître l'injustice faite au tombeur d'Enigma. Et il a fallu attendre 2009 pour que l’ancien premier ministre britannique Gordon Brown présente des excuses au nom du gouvernement britannique pour le traitement infligé à Turing. Des excuses devenues nationales avec une loi votée par la Chambre des communes fin 2013.
source : sciencesetavenir