Le groupe pharmaceutique Novartis et Google se sont associés pour développer des lentilles de contact "intelligentes" capable de mesurer la glycémie des personnes diabétiques.
Google travaille à développer une lentille pour lire la glycémie directement dans les larmes. Google
LENTILLE. Le groupe pharmaceutique suisse Novartis a annoncé mardi 15 juillet dans un communiqué s'être associé avec le géant des technologies Google afin de mettre au point des lentilles de contact "intelligentes" pour diabétiques. 
Espérant trouver des partenaires, Google avait déjà révélé en janvier dernier qu'il travaillait sur ce projet, dont l'objectif est d'offrir aux malades une technologie qui mesure automatiquement le taux de sucre dans le sang (la glycémie).
"C’est une tâche quotidienne ardue pour les diabétiques que de devoir en permanence contrôler leur taux de sucre dans le sang" expliquaient alors Babak Parviz (spécialiste de la miniaturisation technologique pour Google) et Brian Otis (Professeur au département ingénierie électrique à l'Université de Washington), tous deux co-fondateurs de ce projet chez Google.

Un monitoring contraignant

Mesurer son taux de glucose sanguin au long cours est indispensable pour les personnes souffrant de diabète. Ces mesures leur permettent de savoir quand il leur est nécessaire de consommer du sucre (en cas d'hypoglycémie) ou de s'injecter de l'insuline, une hormone permettant de réguler la quantité de sucre dans l'organisme en cas d'hyperglycémie.
En effet, en l'absence de surveillance de la glycémie et donc d'action appropriée, les patients risquent de graves conséquences telles que la cécité, l'insuffisance rénale, des complications cardiovasculaires ou des atteintes nerveuses...
Mais le suivi de ce taux de glucose, tel qu'il est le plus couramment pratiqué, implique aujourd'hui de se percer le doigt avec une aiguille pour récupérer une goutte de sang. Cette goutte est alors déposée sur une bandelette imprégnée d'une enzyme (la glucose oxydase) puis passée dans un lecteur portable qui affiche la valeur de la glycémie.
Mesure du taux de glucose dans le sang à l'aide d'un lecteur de glycémie.
Ce type d'appareils fournit une mesure très précise du taux de glucose sanguin, mais ce test douloureux peut inciter les personnes souffrant de diabète à effectuer des mesures moins fréquemment que nécessaire.
C'est donc pour pallier ce problème que Google et Novartis se proposent d'effectuer une lecture de la glycémie bien moins contraignante à partir d'une lentille équipée d’un capteur de glucose. Placée directement sur l’œil, elle pourrait en mesurer directement le taux dans les larmes.

Des lentilles communicantes

Ces lentilles, telles que les imagine Google embarqueraient donc une électronique miniaturisée "de la taille d’une paillette et aussi fine qu’un cheveu humain".
Espérons-le car, en plus du capteur de glucose, la lentille est censée abriter une antenne sans fil lui permettant de transmettre ses mesures à un appareil connecté (smartphone, tablette ou ordinateur).
Le prototype de lentille pour diabétique sur lequel travaille Google.
Les informations sur cette technologie sont pour le moment réduites à la portion congrue. Google explique que ses composants pourraient être pris en sandwich entre deux couches d’un matériau souple, semblable à celui utilisé pour fabriquer les lentilles de contact.
"Nous testons actuellement des prototypes capables de prendre des mesures à chaque seconde", expliquent Brian Otis et Babak Parviz. Autre piste étudiée par les deux ingénieurs : doter ces lentilles d'un véritable dispositif d’alarme à l’aide de minuscules LED qui s’allumeraient si le taux de glucose s'écarte d’une certaine fourchette.

Mieux vaut une alerte tardive que pas de détection du tout
"La seule difficulté est qu'il y a toujours un temps de latence entre le moment où la glycémie varie dans le sang, et celui où cette variation est perceptible dans les autres fluides corporels. Il peut s'écouler 10 minutes de battement entre le moment où un pic de glucose s'amorce dans le sang et celui où on peut le détecter dans les larmes où dans le liquide interstitiel sous la peau", relativise le professeur Eric Renard du département d'endocrinologie, diabète et nutrition au CHU de Montpellier. "Toutefois, mieux vaut une alerte tardive que pas d'alerte du tout", ajoute-t-il.

Est-ce faisable ? 

"Oui, car la technique n'est pas nouvelle, explique le Pr Renard. Les larmes sont produites par les glandes lacrymales et le taux de glucose qu'elles contiennent est logiquement proportionnel à celui du taux de glucose sanguin."
Il est donc possible d'estimer la glycémie à partir des larmes, tout comme d'ailleurs on peut le faire à partir d'autres fluides corporels tels que la salive. Des chercheurs iraniens de l’Université de Téhéran sont en effet parvenus à mettre au point un lecteur de glycémie de salive fonctionnel, explique cet article.
Le Pr Vexiau, diabétologue, cité par le Figaro émettait il y a deux ans quelques réserves concernant une possible intolérance aux lentilles. "Les diabétiques ont généralement les yeux plus secs. En raison d'un taux de sucre plus élevé dans le sang, leurs glandes et notamment leurs glandes lacrymales produisent moins de larmes. Vont-ils pouvoir supporter les lentilles ?" s'interrogeait-il. 
"On rencontre surtout ce type de neuropathies végétatives (atteinte nerveuse pouvant entraîner des problèmes de sécrétion lacrymale ou de sueur, ndlr) dans le cas de diabètes anciens, objecte le Pr Renard. Il y a beaucoup de diabétiques qui portent des lentilles de contact sans problème", rappelle-t-il.

Rien qu'un prototype... pas forcément utile

"Il y a encore beaucoup de travail à accomplir avant qu’on ne parvienne à rendre opérationnelle cette technologie", reconnaissait Google sur son blog en janvier dernier. Mais l'annonce du partenariat conclut avec Novartis pourrait bien donner un coup d'accélérateur au projet.
Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il existe déjà des dispositifs alternatifs qui permettent une mesure de la glycémie sans qu'il soit nécessaire de se percer la peau plusieurs fois par jour.

La mesure de la glycémie en continu sous la peau offre un confort de même nature, et ce type de dispositif existe déjà !" rappelle Éric Renard.
Il consiste en un capteur que les diabétiques insèrent eux-même au niveau du ventre, et qui mesure à intervalle régulier le taux de sucre. "Ces capteurs ne se changent en général que tous les 5 jours, et ils peuvent être reliés à une pompe à insuline, à un moniteur portable ou à une application pour smartphone qui affiche le suivi de la glycémie" précise le chercheur. 
Dans cette vidéo, une diabétique explique comment remplacer un capteur sous-cutané pour mesurer sa glycémie dans le tissu interstitiel. 
Des lentilles équipées d'électronique seraient-elles plus confortables qu'un tel dispositif ? On attend de voir.
Par : Hugo Jalinière et Erwan Lecomte
source : sciencesetavenir