Des os du crâne, des nez… et demain, des organes capables d’imprimer des parties du corps humain à la demande: les imprimantes 3D semblent promises à un bel avenir dans le monde médical.


Et si demain il devenait possible de fabriquer artificiellement des parties du corps humain, pour remplacer des organes détruits ou défectueux? C’est ce qu’espèrent bon nombre de médecins, à la faveur de l’impression en trois dimensions (3D), une technologie consistant à construire toutes sortes d’objets à partir de résine liquide.
Ces imprimantes peuvent fabriquer des prothèses sur mesure, dont la forme exacte est déterminée à partir des caractéristiques du patient obtenues lors d’un examen (scanner, IRM). Les prothèses imprimées peuvent être utilisées pour reconstruire certains os, mais elles sont surtout appréciées en tant que guides chirurgicaux, sortes de maquettes personnalisées utilisées avant l’opération. Le chirurgien peut ainsi visualiser la zone qu’il va opérer, repérer comment percer un os, fixer des plaques, etc. «Grâce à ces guides, on gagne énormément en temps et en précision durant l’opération», confirme Martin Broome, chirurgien maxillo-facial au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne.
En février dernier, une équipe de médecins de l’Université de Louisville, dans le Kentucky (USA), a pu imprimer une reproduction du cœur d’un enfant de 14 mois atteint de quatre malformations cardiaques. Grâce à ce modèle, les chirurgiens ont pu planifier leur travail et réparer les quatre malformations en une seule opération, chose qui aurait été impossible sans ce cœur imprimé en 3D.

Le prix, un argument choc

Mais la véritable révolution réside sans doute dans la facture de cette impression: 600 dollars, soit environ 530 francs. Il y a une dizaine d’années, il aurait fallu faire appel à une entreprise spécialisée et ajouter quelques zéros à ce chiffre. Les coûts ont chuté à tel point que de plus en plus d’hôpitaux se sont équipés d’imprimantes 3D. C’est le cas du CHUV, qui en a fait l’acquisition en 2013. «Il y a à peine sept ans, le coût était encore tellement élevé qu’on n’avait recours à l’impression 3D que dans certains cas bien précis, tels que des maladies rares ou des accidents graves, se souvient Martin Broome. Tous les progrès actuels sont directement liés à la chute des prix», analyse le chirurgien.
Mais l’impression 3D ne se limite pas à la fabrication de maquettes chirurgicales. Dans un futur plus lointain, on peut imaginer la fabrication d’os ou d’organes. Pour l’instant, tout cela en demeure au stade expérimental, car on ne dispose pas des matériaux ad hoc. Dans la plupart des os, la matière qui les constitue subit un constant remodelage, en particulier dans les os soumis à des contraintes mécaniques importantes. Pour reproduire cette capacité, il faudrait un matériau non seulement biocompatible, mais aussi résorbable, autrement dit capable de céder sa place à des cellules osseuses naturelles.
Les ingénieurs en sont encore loin, mais ils progressent. En 2013, aux Etats-Unis, un bébé souffrant de trachéobronchomalacie, un affaissement des bronches l’empêchant de respirer, a pu être sauvé grâce à une prothèse résorbable imprimée en 3D à partir d’un polymère spécifique, le polycaprolactone. Quant aux os moins soumis à des pressions mécaniques, les médecins commencent à expérimenter des prothèses pour les remplacer. En mars dernier, des chirurgiens de l’Université d’Utrecht, aux Pays-Bas, ont implanté à une jeune patiente de 22 ans une prothèse de crâne en plexiglas imprimée en 3D. La prothèse, réalisée sur-mesure, a parfaitement remplacé son crâne dont les os s’épaississaient et comprimaient dangereusement son cerveau.

Nos organes imprimés

Encore plus impressionnante, la bio-impression constitue le stade ultime de l’impression 3D. Il ne s’agit de rien de moins que de fabriquer des organes entiers pour remplacer ceux qui seraient défectueux. Les principales recherches menées actuellement sur ce sujet concernent la peau. «On sait imprimer des tissus en superposant des couches de cellules les unes sur les autres, comme dans l’épiderme, explique Martin Broome. Ce qu’on ne sait pas encore faire, c’est les vasculariser. Or, si les cellules ne sont pas colonisées par les vaisseaux sanguins, elles meurent rapidement». Pas question donc, pour l’instant, d’imprimer des organes complexes comme un cœur ou un poumon. Mais pour les tissus les plus simples, l’impression semble être à portée. Et en plus de répondre à une demande tout à fait concrète, cette technologie permettrait aussi aux scientifiques d’en apprendre énormément sur le corps humain, notamment sur les relations complexes entre les tissus vivants et les matières inertes.

Couleurs et textures pour bientôt

Pour l’instant, la plupart des modèles d’imprimantes 3D n’impriment que dans un seul type de matériau, et en une seule couleur. Dans le cas de l’impression d’un guide chirurgical destiné à planifier une opération, cela peut poser problème. Chaque personne possédant ses propres caractéristiques anatomiques, comment s’assurer de la position précise des vaisseaux sanguins ou des tissus fragiles si tout est imprimé d’un seul bloc monochrome? Avec des couleurs et différents matériaux, on pourrait obtenir des guides dont les artères seraient imprimées dans un matériau souple de couleur rouge par exemple, afin de bien les visualiser. Ce serait presque comme dans un livre d’anatomie, la sensation tactile en plus! Dès lors, pourquoi ne pas apprendre l’anatomie avec de tels modèles, précis et bon marché, plutôt que de recourir à la dissection cadavérique? Voilà un autre domaine d’application que les imprimantes 3D ne devraient pas tarder à conquérir.

source : planetesante